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Beaumont

Plan en H ????

La création de la bastide de Beaumont du Périgord est étroitement mêlée aux décisions administratives et diplomatiques ainsi qu'aux manœuvres et opérations militaires, prises ou entreprises en Gascogne (ce mot étant pris au sens du XIII° siècle où Aquitaine, Guienne et Gascogne étaient synonymes, et non au sens étroit qu'il a de nos jours) par le roi-duc Henri III ou son fils, le prince Édouard.
 
Henri III avait envisagé très tôt pour son fils un mariage du côté espagnol et, dans le souci de lui préparer des revenus suffisants pour un train en rapport avec. son état, lui avait fait quelques donations dont celle, qui n'est pas la moindre, du duché aquitain.
 
Comme Alfonse X de Castille faisait valoir, à plus ou moins juste titre, quelques prétentions sur le duché, Henri III chercha à se l'attacher ou à le mettre dans son camp, en projetant le mariage d'Édouard avec la sœur du roi de Castille, Aliénor.
Ce mariage eut lieu près de Burgos, au monastère Santa Maria la Real, le 1er novembre 1254. A l'âge de 15 ans, le prince Édouard allait donc "gouverner" la Gascogne, usant d'une indépendance assez théorique car c'est le roi qui en fait contrôlait les décisions et les mesures importantes prises, sous l'œil d'Alfonse X qui veillait au strict respect des clauses du traité conclu à l'occasion du mariage de sa sœur. A ces contraintes près, le prince Édouard administra son duché avec efficacité et intelligence, en dépit de quelques maladres­ses à mettre sur le compte de sa jeunesse.
Les relations entre le roi-duc et le prince connurent bien des moments difficiles qui parvinrent à leur paroxysme vers 1258, sous forme d'un véritable conflit. Il éclata quand Édouard, pour pourvoir au remplacement du sénéchal Etienne Longuépée, qu'il avait nommé en 1255 sur l'avis de son père, voulant cette fois s'en dispenser, nomma, en juin 1258, comme sénéchal de Gascogne, son oncle Geoffroi de Lusignan. Henri III s'opposa à cette nomination, alla jusqu'à contraindre son fils à révoquer Geoffroi (ce qu'il fit le 12 juillet suivant), puis nomma, dans le courant de 1259, Dreu de Baren­tin (1).
Dix ans passent au cours desquels le prince agit dans l'ombre de son père. Au début des années 70, Saint-Louis meurt devant Tunis, le prince Édouard est en Terre Sainte où il participe au siège d'Acre, Philippe III succède à son père sur le trône de France et, au printemps 1272, s'apprête à engager les hostilités contre le comte de Foix.
C'est alors la panique à Londres où l'on craint pour le duché en l'absence de son prince et au moment où la santé du roi-duc chancelle. On nomme alors à la tête du duché deux hommes sûrs et efficaces: Luc de Thanet comme sénéchal, Thomas de Clare comme lieutenant (2).
Le sénéchal de Gascogne est le personnage de loin le plus important dans l'administration du duché. Quand le duc est absent - et le duc, ne l'oublions pas, est aussi roi d'Angleterre - il l'y représente et, écrit Trabut-Cussac (3) : "puisque son autorité est une émanation de l'autorité ducale, son pouvoir un fragment du pouvoir ducal, on conçoit que le choix du sénéchal, sa nomination, sa rému­nération relèvent du souverain, et de lui seul [. ..]. Ni Henri III ni Édouard 1 ne s'en sont volontiers remis à autrui du choix de leurs sénéchaux.". Le plus souvent, il était choisi parmi des personnages n'ayant pas encore eu d'activité dans le pays. Luc de Thanet est l'une des exceptions. Avant de se rendre en Gascogne, il avait été connétable du château royal de Knaresborough. En 1272 il était clerc, chapelain du pape. Familier et fidèle du prince qui l'appréciait hautement, il fut nommé par Henri III lui-même, tant en son nom qu'au nom de son fils absent, le 18 mai 1272 (il sera révoqué en mai, juin ou juillet 1278, à une date que l'on ne connaît pas avec précision, pour "conduite tapageuse"(4) des affaires aquitaines).
Henri III s'éteignit le 16 novembre 1272. La nouvelle de sa mort ne parvint pas à son fils avant le début de l'année suivante, alors qu'il revenait de la croisade. Cette nouvelle ne lui fit pas hâter le pas: de Sicile où il était le 16 janvier, il se rendit à Paris où il arriva le 27 juillet, mettant' plus de six mois pour parcourir la distance (5). Il était désormais roi d'Angleterre et duc d'Aquitaine sous le nom d'Édouard 1er.
Faisons nôtre l'opinion générale : la bastide de Beaumont fut construite sur ordre de Luc de Thanet. La décision fut prise après mai 1272. Faisons nôtre aussi l'affirmation de Léo Testut selon qui la transaction qui mit fin au conflit qui opposait l'abbé de Cadouin au prieur de St-Avit-Sénieur (ils prétendaient tous deux être propriétaires du terrain) fut signée en novembre 1272 alors que le plan de la bastide était déjà tracé et que les lots étaient attribués (6).
Nous en concluons que la décision de construire une bastide à Beaumont fut prise avant novembre sous le sénéchalat de Luc de Thanet et sur l'ordre du roi, à une date où, depuis deux ans, le prince absent ferraillait chez les infidèles à l'autre bout de la Méditerranée.
 
On voit mal dès lors comment on pourrait, par des raisons historiques sérieuses, expliquer la soi-disant forme en H du plan de Beaumont (la date de sa conception, la nature conflictuelle des rap­ports du père et du fils et, purement et simplement, la géométrie s'y opposeraient). D'ailleurs, pour trouver la lettre H dans un tel plan, il faut déjà y voir très mal.
La place centrale, élément qui, par sa situation, commande la géométrie de l'ensemble de la bastide, est un quadrilatère on ne peut plus irrégulier ­ on y cherche en vain un angle droit et deux côtés égaux - à l'extérieur duquel, dans l'angle nord-est, on a implanté l'église selon un axe qui paraît aléatoire. Aléatoire? Non pas!
Les géomètres et les arpenteurs qui ont tracé le plan des rues et des places, délimité les lots, ont utilisé le terrain, qui n'admettait pas l'impérialisme de l'angle droit, avec infiniment d'intelligence et d'habileté. Il suffit de comparer à Monpazier où l'on ne voit que des parallèles et des perpendiculaires engendrant à la longue une grande monotonie qui a fort heureusement été évitée à Beaumont.
Bref, si dans un atlas de plans de bastides(7) , il en existe,  on commençait par éliminer celles dont la forme diffère d'un H, Beaumont serait une des premières écartées. On peut d'autre part, pour des raisons qui tiennent à leurs rapports, ne pas être très sûrs que le prince Édouard tenait tellement à rendre hommage à son père. On serait même plutôt tenté de penser que la mort de son père, si elle l'a attristé, l'a aussi soulagé d'une tutelle pesante et paralysante, lui accordant enfin la liberté d'action à laquelle il aspirait depuis la donation du duché.

Mais qui donc est à l'origine de l'explication ridicule et grotesque par la lettre H qu'aucun document écrit de l'époque n'atteste? On peut craindre, pour l'honneur des beaumontois, que la paternité, et il serait plus approprié de dire ici la maternité, en revienne à une beaumontoise qui avance il y a peu :"Il voulut [le prince Édouard, et le mot prince, et non roi, n'est pas ici écrit innocemment] aussi que son plan soit différent de celui des autres bastides [cela est vrai! Toutes les autres bastides ayant la forme d'un H, Beaumont ne l'aura pas] et lui donna la forme d'un H [nous y voilà !] en mémoire de son père Henri III mort avant le commencement des travaux." (8). La dernière affirmation est d'ailleurs aussi fausse que tout le reste puisque le plan et l'attribution de lots étant antérieurs à la mort d'Henri III, la forme de la bastide ne pouvait être liée à la mort de ce dernier (voir L. Testut cité plus haut).

Errare humanum est, sed perseverare diabolicum. Or, en 2003, au moment où ces lignes sont écrites le diable est toujours debout. Un exemple suffira le prouver, mais on pourrait en citer bien d'autres Dans un guide, à la disposition de milliers de touristes, imprimé en 2003 sous l'égide du Conseil Général de la Dordogne, on peut encore lire page 16 :"[...] Beaumont du Périgord, dont le plan en H rend hommage au roi Henri III d'Angleterre [...]". CONSTERNANT!

(1) J.P. Trabut-Cussac - "L'Administration an­glaise en Gascogne sous Henri III et Édouard 1 de 1254 à 1307" - Droz - Paris, Genève - 1972 - p. : 16 et 17.

(2) J.P. Trabut-Cussac - op. cit. - p. : 141 et suiv.

(3) J.P. Trabut-Cussac - op. cît. - p. : 40 et note 237.

(4) J.P. Trabut-Cussac - op. cit. - p. : 57

(5) J.P. Trabut-Cussac - op. cit. - p. : 41..

(6) Léo Testut - "La Bastide de Beaumont" ­tome 1 - p. : 62 et 63.

(7) Par exemple: Alain Lauret, Raymond Malebranche et Gilles Séraphin - "Bastides. Villes nouvelles du Moyen Âge" - Éd. Milan - 1988.

(8) Guide touristique MAIF - Périgord/Quercy 1970 - p. : 458.

Jean Darriné Juillet 2003

Extrait du Bulletin de Beaumont 2003  nov.