Suède - Villes orthogonales
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n° 339


Dossier

Lecture de L'Histoire de l'Europe urbaine
 
    par Jean-Paul Blais, urbaniste (Club Ville Aménagement)

Cette Histoire de l’Europe urbaine, presque 2 000 pages réparties en six livres et deux tomes, souligne de multiples ruptures et des continuités dans le développement urbain à travers les siècles, révèle de nombreuses périodes de crises urbaines, montre la permanence de la réorganisation des villes européennes sur elles-mêmes. Il s’agit d’une œuvre collective initiée par Jean-Luc Pinol, professeur à Lyon-2 et président de la Société française d’histoire urbaine, qui nous entraîne dans un vertige tant l’information savante est riche, et en même temps nous séduit et nous passionne tant la ville européenne semble naître par la magie de l’écriture historique.
La périodisation de l’histoire urbaine suggère la souplesse nécessaire à la compréhension des objets étudiés : la ville antique, dont les premières traces remontent au ixe siècle av. J.-C., se termine vers la fin du vie ou vers le début du viie siècle pour laisser place à la ville médiévale. Période essentielle dans l’histoire de nos villes européennes car commence alors la ville que nous aimons, “jetant les fondations de l’histoire de notre temps” (I-291), même si cette Europe urbaine n’est pas “une Europe des villes, mais un système d’États monarchiques intégrant les villes dans leur construction politique” (I-579). La ville moderne, produit d’un processus très lent qui dure trois siècles, commence en 1500, est suivie d’un ensemble relatif à la ville contemporaine qui se situe entre le début du xixe siècle et la Seconde Guerre mondiale. Cette dernière période est complétée par un livre particulier sur la ville de la colonisation, la ville européenne d’outre-mer, qui prolonge ses commentaires – dans lesquels sont fortement présents les hygiénistes – jusqu’aux années 1960. Enfin, une présentation de la ville contemporaine depuis la Seconde Guerre mondiale vient achever cette somme.
Nous apprécions dans cet ouvrage les précautions et les réserves méthodologiques, les débats et les incertitudes relatives à la qualité des comparaisons des histoires de villes et à la qualité des sources. Et nous considérons avec un grand intérêt la diversité des entrées thématiques proposées : les formes urbaines, les modes de gestion, les territoires, les cultures urbaines, les acteurs et les métiers... Cela d’autant plus que l’ouvrage, loin de tout dogmatisme, présente la notion de ville comme une commodité pour signifier des réalités contrastées dans leurs échelles et leurs temporalités entre le petit bourg et la grande capitale, et souligne qu’il est important de préserver le “patrimoine et l’urbanité spécifiques” des villes européennes (II-8).
Quelques notes singulières repérées au fil de la lecture ouvrent la porte à des débats contemporains sur l’avenir des villes.
Les images de la ville comptent dès l’Antiquité. La ville se définit par son cadre architectural et par sa panoplie monumentale (I-252). Nous pourrions alors rester surpris lorsque l’un des commentaires à propos de la ville d’aujourd’hui nous affirme : “La ville devient prétexte, image, objet de consommation pour l’entreprise comme pour l’individu…” (II-599). Les embellissements de Paris sous Haussmann, de Vienne, ou les plans régulateurs italiens contribuent, à leur façon, à cet urbanisme de représentation dans la seconde partie du xixe siècle.
La mort des villes, la désurbanisation ne sont pas des phénomènes nouveaux. Sous l’Empire romain déjà, au ier siècle, les villes peuvent décliner, la déprise urbaine existe (I-228). En Italie, au Moyen Âge par exemple, Amalfi ou Torcello n’auront qu’une existence éphémère de grande ville. À présent, les villes sinistrées existent encore, dans des territoires en déshérence économique ou en guerre, mais un système de perfusion assure leur maintien. Le livre 5, qui décrit l’histoire des villes européennes outre-mer, souligne bien cette facilité avec laquelle une ville peut surgir ou peut disparaître.
Les villes nouvelles n’ont pas été inventées au xixe siècle : sous l’Empire, entre 1240 et 1300 sont créées près de 300 villes nouvelles par décennie. En Suède, par exemple, 45 villes, sous la forme de trames orthogonales adaptées à une fonctionnalité commerciale, furent créées par le pouvoir royal entre 1580 et 1650 (I-661). Par contre, depuis les années 1950 (II-610), ces nouvelles villes affichent une place modeste dans l’ensemble du développement urbain, même à l’est de l’Europe pourtant caractérisé par la recherche de l’homme nouveau et par le développement de la production industrielle.
D’autres apports de cette histoire semblent refléter des situations plus paradoxales.
À propos des plans en damier des colonies romaines, il nous est montré que “les plans les plus évolués selon le critère de la rationalité géométrique sont – aux ive et iiie siècles av. J.-C. – réservés aux formes les moins évoluées des agglomérations” (I-135). Cette hypothèse, transposée aujourd’hui, aurait de quoi inquiéter de nombreux urbanistes.
À une autre période, l’historien insiste, à partir d’un regard sur les grands ensembles, sur l’opposition entre locataires et citoyens, comme si, à voir le fonctionnement de la société contemporaine, il fallait choisir l’un ou l’autre. Une autre opposition se formule entre la notion de patrimoine, et donc de propriété, et celle de territoire défini par l’usage et les formes d’appropriation plutôt que par son statut.
La limite de la ville est une réalité et un mode de représentation. L’enceinte, souvent médiévale mais souvent modernisée au xixe siècle, est “l’idéogramme par excellence” (I-287), et reste une constante du caractère européen des villes jusqu’à la fin du xixe siècle où l’on commencera à détruire les fortifications (II-147). En effet, dans le courant du xixe siècle, la notion de limites change de nature, c’est la région urbaine qui délimite l’espace de la ville.
Quelques regrets doivent cependant être formulés. Cet ouvrage manque de repères cartographiques. Une autre difficulté est liée à la diversité des zones géographiques répertoriées dans tel ou tel chapitre. Si, par exemple, l’un des auteurs développe largement l’aspect des villes européennes dans l’ancienne Union soviétique, nous aurions été sensibles à une comparaison avec les périodes précédentes à propos du même territoire. De même, une question comme celle de l’émancipation du pouvoir local et de la formation d’autorités municipales est développée dans la période de la ville médiévale mais inégalement reprise dans les périodes suivantes à propos du mouvement communal, de la gouvernance ou de l’évolution des besoins financiers des villes pour se gérer elles-mêmes. Mais cela nous montre que le travail des historiens n’est pas, loin de là, terminé.
Nous ne pouvons que recommander aux urbanistes soucieux du développement de leur profession de lire avec attention les chapitres du livre 4 sur la formation des sciences de la ville et les transformations urbaines vues sous l’angle du poids tout à fait relatif de l’urbanisme dans le développement de ces villes européennes. Et plus loin, dans le livre 6, de noter comment les modalités de la croissance ou du repli urbains épousent les héritages de l’histoire économique et sociale.
Cet ouvrage traite aussi du logement et de son évolution ainsi que du maintien des inégalités en matière d’accès à l’habitat, même si dans bien d’autres villes du monde nous croisons des situations bien pires qu’en Europe. Il y est également question de l’espace public et de son importance ; depuis l’Antiquité il reste un élément déterminant de l’existence d’une ville : la rue, la place et tous les espaces de sociabilité agissante (I-484)…
Parmi les leçons de relativité que nous donne cette publication, retenons une affirmation : “On peut au Moyen Âge vivre en ville et travailler à la campagne” (I-437). Voilà une inversion qui fait rêver l’urbain d’aujourd’hui. C’est l’un des mérites de cette Histoire de l’Europe urbaine que de nous ramener à ces modestes plaisirs de vivre en ville.
Par Jean-Paul Blais

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