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Le Havre, patrimoine mondial de l'humanité en béton ![]() C'est une revanche pour l'architecte Auguste Perret, longtemps méprisé par les modernes et dont le grand oeuvre havrais a laissé la population dubitative. En septembre 1945, ce petit homme de 71 ans découvre au Havre un champ de ruines de 150 hectares. L'architecte a été chargé de reconstruire la ville, rasée par un tapis de bombes alliées un an auparavant. Depuis les premières années du siècle, Perret invente un nouvel ordre architectural, mélange de vocabulaire classique colonnes, chapiteaux et d'innovation technique fondée sur le béton, dont il exalte la poésie à coup d'aphorismes sentencieux et de bâtiments monumentaux (le Théâtre des Champs-Élysées, le palais d'Iéna à Paris, l'église du Raincy). A la tête d'un atelier d'une vingtaine d'architectes, Perret travaille au Havre jusqu'à sa mort, en 1954. Il accouche d'une drôle de ville, unique en son genre. Il définit un plan d'urbanisme orthogonal, rythmé par un maillage carré de 6,24 mètres de côté. Standardisation, préfabrication et béton permettent économies de budget et gain de temps. Dans un triangle formé par la porte Océane, la place de l'Hôtel-de-Ville et l'ensemble du front de mer sud, il dessine ou fait dessiner des dizaines d'immeubles d'habitation, l'hôtel de ville, l'église Saint-Joseph avec son énorme clocher-lanterne. Les appartements sont lumineux, dotés de grandes baies verticales, d'un plan fonctionnel et modulable. Achevé après sa mort, le centre comprend aussi une surprenante maison de la culture dessinée par Oscar Niemeyer. Une cité idéale ? Pas pour les habitants. Tout au deuil de leurs proches et de leur vieille ville en briques, ils rejettent ces rues très larges, ces immeubles froids et gris, ce plan monumental. Il faudra attendre une génération pour que les Havrais adoptent leur ville. En 1995, Antoine Rufenacht (UMP) enlève la mairie. C'est le début d'une politique de reconquête d'image, consacrée aujourd'hui par l'Unesco. M. Rufenacht veut voir dans cette reconnaissance "le symbole de la modernité qui imprègne toute la vie du Havre. La ville a toujours été tournée vers l'avenir. Elle est industrielle et populaire, mais elle veut s'ouvrir, attirer les touristes." Grégoire Allix Article paru dans le Monde :édition du 17.07.05 http://wwwo.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3246,36-673103,0.html
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