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Fortification d'agglomération : enceinte de Ferry ou dernière enceinte3e fortification d'agglomération 17300 Rochelle (La) SynthèseExtrait de : L'architecture militaire à La Rochelle du Moyen Age à 1940, par Philippe Truttman, 1990, p. 5-8.L'enceinte de 1689 Les fortifications restèrent en l'état jusqu'en 1689. Les soixante ans écoulés depuis le grand siège ont vu la naissance et le développement de Brest et de Rochefort, le déclin de Brouage, l'extension de Toulon, et le rasement tout récent de Cherbourg (1688). Des opérations navales ont menacé (1674) nos côtes, dont celles de l'Atlantique, mais la Guerre de la ligue d'Augsbourg, qui vient de s'ouvrir, voit se constituer contre la France une formidable coalition et celle, en particulier, de deux puissances navales, Angleterre et Hollande. Dans les rangs de nos adversaires figurent nombre de transfuges réformés, chassés par la révocation de l'édit de Nantes : outre l'objectif que constitue La Rochelle comme n'importe quel port, on craint, en outre, à Versailles, qu'un débarquement anglo-hollandais n'y trouve des sympathies parmi les réformés ou 1es «nouveaux convertis», considérés comme ennemis de l'intérieur, et ne rallume, de proche en proche, de l'Aunis aux Cévennes, un nouveau soulèvement religieux. C'est la thèse soutenue par l'ingénieur Ferry, catholique intransigeant, et précisément directeur des fortifications à La Rochelle. Aussi le Conseil, en liaison avec le maréchal de Lorges, gouverneur de la province, décide-t-il le rétablissement des fortifications de La Rochelle. Les artisans en furent les ingénieurs François Ferry ( jusqu'à sa mort en 1701), puis Christophe Rousselot (mort en 1703), Directeur des fortifications d'Aunis, entourés d'ingénieurs ordinaires (Verrier, de Girval, Masse, etc.). La nouvelle enceinte reprend, à l'ouest le tracé de celle de 1629, dont les fossés subsistaient (à cause du ruisseau de Lafont ). En revanche, au nord et à l'ouest, elle est reportée 150 à 200 m plus loin et, entre l'angle nord-ouest et l'entrée du canal de Maubec, développe en arc de cercle, parallèlement à la précédente, six fronts bastionnés totalisant cinq bastions et deux demi-bastions, tous à flancs droits, à escarpe à demi-revêtement et contrescarpe revêtue. Le front ouest est resté, lui, à terre coulante, solution provisoire maintenue en cas d'extension de la ville à l'ouest et de construction d'une citadelle extérieure. Les dehors se limitent à quatre demi-lunes (l'une devant la porte Royale, l'autre devant la porte Dauphine, une à l'entrée du canal de Maubec et la dernière à la corne de Tasdon), un bastion détaché couvrant la porte Saint-Nicolas, lui-même couvert par l'ouvrage à corne de Tasdon ; à l'ouest se trouvent une redoute carrée dite «Paté» (près de la porte des Deux-Mou1ins) et un chemin couvert général, avec traverses et places d'armes. Cinq portes donnent accès à la place : - au sud-ouest la porte des Deux-Moulins, desservant la côte nord de la baie, - à l'ouest, la porte Neuve, légèrement déplacée au sud de son ancien emplacement, - au nord, la porte Dauphine, desservant les villages entre La Rochelle et le Marais, - au nord-est, la porte Royale, accès principal et aboutissement des routes de Nantes et de Paris, - au sud-est, la porte Saint-Nicolas, dont l'accès se fait par quatre ponts successifs (franchissant les fossés des différents ouvrages qui la protègent). Compte tenu du tracé des communications extérieures et de celui du tissu urbain, quatre de ces portes sont, parfois avec un léger déplacement, le rétablissement des portes antérieures. Seule la porte Dauphine est de nouvelle création ; située à l'extrémité nord de la plus importante rue de la ville, elle apporte tout naturellement une indéniable commodité. On citera enfin le passage provisoire de la porte de Paris, qui fut bouché lors de l'achèvement de l'enceinte, et les circulations correspondantes ramenées sur la porte Royale, sa voisine. Les établissements militaires, compléments usuels de la fortification, comme l'usage en avait été établi par Louvois, puis adopté par Colbert pour les places de son département, se limitent, à La Rochelle à : - deux corps de casernes dites «casernes vieilles» et «casernes neuves», construits entre 1702 et 1708, symétriquement de part et d'autre de la porte Dauphine, derrière le rempart de la Courtine, - les locaux et bâtiments faisant partie des portes Dauphine et Royale, - le magasin à poudre du bastion de Bourgogne (aujourd'hui disparu). Le projet de Ferry de 1699 Une des caractéristiques constantes des ingénieurs du roi en poste dans les places était de mettre en exergue les places dont i1s étaient chargés et de proposer, dans les projets annuels, toutes les extensions et améliorations possibles, en laissant au Directeur général le soin de faire les choix correspondant à la situation réelle et à l'importance relative des différentes places. Ferry n'échappe pas à la règle quand il propose en 1699 un grand projet d'extension et de renforcement de La Rochelle, avec citadelle pentagonale extérieure (à l'emplacement du fort Louis) analogue à celle construite à Strasbourg en 1681, raccordée à l'enceinte de ville par deux longues courtines bastionnées et renforcée de deux ouvrages à cornes, dont l'un tourné vers la ville. L'enceinte de ville elle-même devait recevoir les demi-lunes habituelles, ainsi que deux ouvrages à cornes (un près de la porte des Deux-Moulins, l'autre devant la courtine de la porte de Paris) et une contregarde devant le bastion de Bourbon. En 1700, il proposait de rattacher l'ouvrage à cornes de Tasdon au corps de place en supprimant la porte et le bastion de Saint-Nicolas et en raccordant la branche gauche du bastion Dauphin, à l'aide d'un demi-bastion et d'une courtine percée en son mi1ieu de l'écluse d'entrée des eaux du canal de Maubec. L'espace intérieur de l'ancien ouvrage devait être en partie urbanisé, et la partie antérieure occupée par deux corps de casernes avec pavillons d'officiers, encadrant une place d'armes. Critiqués par Vauban, ces projets restèrent lettre morte en raison du décès de Ferry en 1701 et des difficultés financières du moment. Plusieurs autres projets furent élaborés ultérieurement, sans plus de succès. Il apparaît que si la ville fut assez rapidement mise en état de défense, les travaux se poursuivirent au moins jusqu'en 1720, à un rythme plus ou moins ralenti par les difficultés financières de la fin du règne de Louis XIV et la politique d'économie des premières années de la Régence. Telle quelle, et à part quelques modifications de détail, cette enceinte subsista jusqu'à son déclassement, au début du XXe siècle, et au démantèlement qui suivit : la reconstruction de 1689 avait abouti à recréer une place mise à l'abri d'opérations navales et d'un fort coup de main tenté par un corps débarqué à proximité. Mais, simplement protégée par une enceinte sans dehors, La Rochelle n'aurait jamais été en état de soutenir un siège important : il semble que cet état de place de seconde importance ait correspondu exactement aux intentions du pouvoir central. Les travaux de fortification successifs eurent indéniablement une influence sur le développement de l'agglomération. Les extensions médiévales paraissent avoir été d'abord l'encerclement de zones bâties existantes par une fortification. En revanche, la construction de la grande enceinte bastionnée entre 1590 et 1628 engloba un espace libre où commença à se créer la ville neuve ordonnée selon un plan orthogonal. Avec le démantèlement de 1629 s'ouvrit une période d'expansion assez anarchique de ville ouverte, de telle sorte que, malgré le respect de son tracé vers la campagne, l'enceinte de 1699 entraîna à nouveau la démolition de quelques édifices, puis, du fait de l'instauration des zones de servitudes défensives, un gel de la construction aux abords de la place pendant près de deux siècles.
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